Fin du voyage
C’est un article assez long, mais c’est le dernier, alors il en vaut bien la peine !
Après deux ans à naviguer autour de l’Atlantique sur Ratafia, je retourne à ce que certains appellent la « normalité » et à la sédentarité. Et oui, ayant trouvé un emploi en Bretagne, j’arrête ici le périple. Des envieux diront « deux ans de vacances », mais plus que des vacances, cette aventure a été un réel enrichissement à plusieurs niveaux. Des découvertes de peuples, de manières de vivre, des rencontres de personnalités, et une très grande relativité des choses. Un très beau voyage, qui prend fin, comme toute bonne chose, et donne place à …. autre chose… ! En attendant, je dois m’occuper de Ratafia : le sortir de la mangrove, et le mettre en marina.
A Péru, animal peu dangereux, mais très bruyant lors de ma première nuit retour en Martinique.
Vue matinale depuis la chambre à Péru ! Sympa comme réveil non ?
Vendredi matin, 8h00, Jacques et Danielle m’amènent avec leur 15cv à bord de Ratafia resté en sécurité dans un trou à cyclones. Craignant quelque contrariété du moteur, Gérard et Martine sont là aussi avec leur 18 cv, « au cas où ». Ratafia est paisible, nullement fâché de cette attente de 4 mois. Quelques habitants à bord chatouillent nos jambes de leurs toiles peu ragoûtantes. A Martine l’honneur de passer la première pour balayer ces tissages pleins de cocons prêts à lâcher leurs armées d’octopodes!
Pendant que les hommes jouent les tarzans dans les racines des palétuviers pour décrocher mes amarres, je m’occupe du moteur. Niveaux, réamorçage, et « hourrah !!! ». Le moteur démarre au quart de tour ! Après 4 mois sans tourner ! Voilà une très bonne chose !! A leur retour, nos deux tarzans s’attaquent à remonter les ancres… Ouille ! Ils commencent par celle tribord : j’ose à peine leur annoncer ce qui les attend : 50 à 60m de chaîne de 10 (=diamètre des mailles) ! A bras nus, bien sûr, je n’ai pas de guindeau !! 66 et 68 ans, j’ai un peu honte de leur laisser ce boulot, mais leur fierté de mâle les pousse à finir, et sans se plaindre une seconde, pendant que je gratte l’hélice ! « Bravo les gars !! ». Et c’est avec fierté que Ratafia tracte les deux annexes, avec nous 5 à bord, jusqu’au ponton de la marina! S’ensuivent deux jours de grattage, nettoyage, javellisage des chaînes et bouts restés 4 mois dans l’eau tropicale : au menu, poêlée d’huîtres sur lit de coquillages accompagnée de salade d’algues. Ca embaume tout le ponton !
Puis, retour au mouillage. Enfin retour délicat… ! Car pendant que je manœuvre seule, sous des rafales costauds, une petite « saloperie » vient se glisser dans le circuit gasoil, et « teuf, teuf, teuf » gémit le moteur tandis que nous nous trouvons entre les pontons, au beau milieu de bateaux luxueux qui n’apprécieraient nullement une marque souvenir bleue sur leur coque rutilante… Aie ! C’est pas cool ! Et ça souffle fort ! Heureusement que la coque n’est pas carénée : ça limite la vitesse de dérapage vers les yachts ! Ouf ! Grégory passe en annexe à ce moment-là, et nous tracte comme il peut jusque dans le chenal. C’est un demi-ouf ! Car un bateau arrive, sans nous voir… Et si nous étions à terre, je dirais que « j’ai tenté de lui tailler un short ! ». Il doit se passer 30 secondes pendant lesquelles plus personne ne respire… Mais l’étrave frôle le balcon, et … tout redevient presque sous contrôle !! Petite frayeur de rien du tout ! Merci Greg qui me tracte jusqu’à une bouée, le temps de réamorcer le gasoil ! Greg tombe sous le charme… de mon chauffage à pétrole ! Et oui, datant des années 1960, ce poêle, complètement incongru ici, repartira sur le bateau de Greg, en remerciement.
Vient ensuite une des activités les plus difficiles : vider le bateau de mes affaires personnelles car je le mets en vente… J’attaque le contenu d’un coffre, verse une larme, me tourne vers un autre coffre, c’est une rivière, puis un torrent en cascade… ! Pas évident de quitter son bateau. Ce n’est ni un simple moyen de transport comme une voiture, ni une simple habitation comme une maison que l’on déménage. Non, c’est un compagnon de route que l’on quitte. Un compagnon pour qui j'ai beaucoup ramé (sans jeu de mot !), beaucoup donné en termes d’énergie et d’exigence, mon compagnon qui a fait partie de mon aventure, qui m’a rendu beaucoup en plaisir, m’a appris beaucoup, et m’a emmenée si loin aux sens géographique et personnel. Alors je remercie Mickael qui m’a aidée à trier parmi mes affaires, mes bouquins, mes outils, mes souvenirs… bref, à faire les cartons ! Sinon, j’y serai encore !!
Ratafia n’a jamais été si bien rangé !! Il paraît si vide!
Une séance d’esthétique : nettoyage, élimination des traces de rouille sur le pont, remplacement des feux de navigation… Je viens de mettre l’annonce en ligne sur internet, et m’occupe de Ratafia comme à ses premiers jours ! Dès le lendemain matin, les visites commencent, et je me dis : « Et merde ! C’est vrai qu’il y a ça, et ça, et aussi ça, et encore ça, c’est vrai qu’il est trop bien mon bateau… ! ». Au deuxième jour, Ratafia est ‘vendu’. Alexandre et Lucie ont le coup de cœur pour mon bateau ! Réarmement complet : voiles, électronique, annexe, hors-bord qui étaient bien hivernés et stockés chez la copine Sandra retrouvent leur place à bord. Ratafia est encore plus beau, revêtu de sa parure, et prêt à naviguer ! Je n’imaginais pas que tout s’enchaînerait si vite. Au moins, pas trop le temps de réfléchir, ou de s’attendrir !
Bien que le cœur pincé, je suis bien contente que Ratafia continue son histoire avec ses nouveaux acquéreurs. Jeune couple dynamique, Lucie et Alexandre, prendront soin de lui – je l’espère ! – et l’emmèneront naviguer dans les eaux chaudes des Antilles. Bonne continuation à vous! Quant à moi, retour au frais, fêtes de fin d’année en famille, avant de commencer un nouveau chapitre.
Je remercie Jacques et Danielle, qui m’ont bien aidée en Martinique, que ce soit pour avoir surveillé Ratafia pendant mon absence, pour le sortir de la mangrove, pour les questions de logistique (VHF, annexe…), ou pour finaliser la vente de Ratafia ! Et puis pour tout le reste, tous les bons moments passés ensemble depuis le Cap-Vert, en passant par le Brésil ! Merci la Comtesse d’Hestia et son skipper !
Avec la Comtesse d’Hestia, « au revoir » à bord de Ratafia.
Merci aussi à Dominique, et aux Gémart !
Merci à Sandra et Damien qui ont stocké mon matériel chez eux, à l’abri de l’humidité et des éventuelles visites à bord.
Merci Patrick, rencontré au Brésil, et venu tout droit de Trinidad pour passer quelques jours avec moi en Martinique et me faire un bisou ! (et frotter le pont au Cif au passage!). Bonne continuation de voyage Patrick!
Merci à mon super voisin Olivier, pour sa gentillesse, son accueil, les superbes soirées, et sa pissette si discrète !!
Et un très grand merci à Mickael pour les ‘prêtages’ de voiture; emballages, pesages et postages des colis; ‘aéroportages’ aller-retour, et ‘supportage’ de moi !!!
Mouillage à Caritan avec la fine équipe: Patrick, Olivier et Mickael.
(Pour ceux qui seraient intéressés par une petite croisière en motor yacht, très bonne adresse, très bonne ambiance: http://www.abritel.fr/location-vacances/p968502)
Et enfin un très grand merci à tous ceux et celles qui ont suivi le blog. Il prend fin ici…
Jusqu’au suivant… Dans quelques années… Avec un nouveau bateau, un poil plus grand, un poil plus confortable, pour un nouveau voyage, un poil plus loin, un poil plus long, et encore plus beau ! (Et peut-être un poil plus nombreux à bord ?)
Dernier jour, quand faut partir… faut partir !